Des balades, des voyages, ici ou là , au jour le jour avec pour seule envie de s'émerveiller encore et encore
Je vous ai récemment invités à visiter le joli village catalan de Maçanet de Cabrenys. je vous propose aujourd'hui de rester encore un peu en Espagne. Le chemin de notre retour vers le Vallespir où nous séjournions aurait pu se faire par le tracé le plus direct, passant la frontière à Coustouges et traversant le village de Saint-Laurent-de-Cerdans, célèbre pour ses tissages catalans et la fabrication des vigatanes, les espadrilles catalanes mais la journée était belle et nous avions du temps devant nous, alors, nous avons pris le chemin des écoliers, préférant rejoindre la France par l'extrémité de la vallée du Tech vers Prats de Mollo.
C'était aussi l'occasion de repasser par un endroit que j'aime bien, le col d'Ares. On y découvre de belles vues sur la chaine des Pyrénées et le Canigou côté français et le Vall de Camprodon côté espagnol. Le col d'Ares est aussi un lieu chargé d'une histoire sombre dont je vais vous parler.
Première remarque sur notre trajet, les routes espagnoles sont belles, larges et très bien entretenues. On pourrait presque dire que depuis que les frontières sont dématérialisées, il suffirait de regarder l'état des routes pour savoir de quel côté de la frontière nous nous trouvons. S'il y a des nids de poules, nous ne sommes certainement pas en Espagne! C'est flagrant près de Coustouges où la large et belle route espagnole se transforme subitement en une route étroite et cahotante à souhait.
Nous arrivons ainsi à Mollo, un joli petit village catalan accroché au flanc des Pyrénées, tout près de la frontière française.
C'est l'imposante église, construite sur un terre-plein dominant le village, qui nous incite à faire un arrêt.
Une longue nef, une abside ronde flanquée de deux chapelles, cette église est solidement ancrée dans ce paysage de montagne au climat rude en hiver.
Dédiée à Sainte Cécile, elle date du XIIe siècle. Son clocher carré, à quatre étages est de style roman lombard, fréquent en Catalogne. Elle a fière allure dans ce paysage montagnard.
Seul décor extérieur, le portail est surmonté de voûtes en dégradé et de corbeaux représentant les sept péchés capitaux.
En 1428, l'église est totalement détruite par un tremblement de terre. Il reste très peu de choses de cette période si ce n'est la tête de serpent du verrou. Le verrou sera reconstitué dans la tradition de ferronnerie locale.
Reconstruite, les siècles passant, elle deviendra une église paroissiale d'importance dans la région allant même jusqu'à abriter six autels richement décorés.
L'église va être détruite une seconde fois, incendiée par les nationalistes pro-franquistes pendant la guerre civile qui a sévi en Espagne de 1936 à 1939. Les six autels ont été totalement détruits et les murs et la toitures calcinés l'ont rendue inutilisable. Abandonnée pour le culte au profit de la petite chapelle voisine, elle servira de grange pour le bétail jusqu'en 1950 date de sa restauration.
Elle est depuis, classée monument historique et artistique.
La restauration a respecté son état d'origine et le passé sanglant de cette église transpire à travers chacune de ses pierres.
La route se poursuit à flanc de montagne vers le col d'Ares qui culmine à 1535 mètres.
La vue y est dégagée avec, en toile de fond, le massif du Ganigou, juste saupoudré des restes des neiges de printemps.
Au col, juste à la frontière désormais invisible, un espace mémoriel a été aménagé. Il rappelle à notre mémoire les jours tragiques vécus par de nombreux citoyens espagnols.
Pour mémoire, le 26 janvier 1939, l'armée franquiste envahit Barcelone après trois années de guerre entre les forces nationalistes du général Franco et les forces républicaines. Pour échapper aux bombardements et à la répression, de nombreux civils et des soldats tentent de fuir l'Espagne pour se réfugier en France. C'est la Retirada, la retraite.
Le Col d'Ares fût un lieu de passage majeur puisqu'on estime que 100 000 personnes et 15 000 têtes de bétail sont entrés en France par ce chemin en seulement deux semaines.
Les hommes, femmes, enfants , soldats, animaux sont arrivés à Mollo le plus souvent après un long voyage en voiture ou en camion. Arrivés à la frontière, ils se sont heurtés à la fin de la route carrossable (une route ne sera réalisée que vingt-cinq ans plus tard et inaugurée en 1965). Le seul moyen de passer de l'autre côté de la frontière était un sentier de montagne.
Ils n'ont eu d'autre choix que d'abandonner leurs véhicules préférant le faire brûler ou les précipiter dans les ravins plutôt qu'ils ne soient récupérés par l'armée franquiste. Ils ont rassemblé dans des ballots quelques effets personnels, les ont jeté sur l'épaule et se sont engagés dans la neige et le froid .
Ce sentier, appelé depuis le "Cami de la Retirada" serpente a flanc de montagne, parmi les buissons.
Lorsque les espagnols ont découvert le village de Prats de Mollo, ils pensaient probablement qu'une nouvelle et meilleure vie les attendait. Ce ne sera pas le cas.
Les pratéens, surpris par cet exode massif, ont accueilli les espagnols du mieux qu'ils pouvaient. Les écoles, les églises, les garages, les granges et même le fort Lagarde qu'on voit en haut de cette photo, ont été réquisitionnés pour abriter les gens fatigués, certains épuisés par leur périple dans le froid et la neige.
Le 13 février 1939, la frontière a été fermée et gardée par les soldats nationalistes du général Franco. Et puis la seconde guerre mondiale est arrivée, compliquant encore plus la vie des exilés.
Je vous retrouve bientôt pour une visite au ton plus léger.
Merci de votre visite chez moi. Passez une belle journée et prenez soin de vous.
Tanielie